Je découvre le livre comme l’auteur, n’ayant jamais entendu parler ni de l’un ni de l’autre auparavant. L’Hiver du mécontentement est pourtant le dixième livre de Thomas B. Reverdy et le Prix Interallié 2018. On a dû en entendre un peu parler j’imagine (d’autant que cinq livres de Thomas B. Reverdy ont reçu des prix littéraires, certains même plusieurs, et cinq sur dix c’est quand même pas mal). Si les précédents romans de l’auteur appartiennent apparemment à des genres différents, autobiographique ou policier notamment, on embarque ici pour un roman historique avec la jeune Candice. Un personnage de fiction qui nous emmène dans l’Angleterre de 1978, au moment où la crise gronde.
Je n’ai pas été plus emportée que ça par le quotidien de la jeune Candice et le roman se lit aussi rapidement que facilement, mais il est très intéressant par le contexte. Fin 1978, Candice a vingt ans. Elle vient des quartiers pauvres de Londres et partage son quotidien entre un petit job et des répétitions de théâtre. A travers sa vie, on vit la crise qui paralyse le pays, qu’on appelle alors « l’homme malade de l’Europe ». Les grèves chez Ford, la lutte des syndicats, les poubelles qui jonchent les rues de la ville, la dégringolade du Premier ministre, James Callaghan, et la montée au pouvoir de Margaret Thatcher… Thomas B. Reverdy nous plonge dans l’ambiance de ce difficile hiver anglais et croise les sujets pour approfondir le déroulé de son histoire. Il tisse une vie à son personnage pour développer ces événements historiques et utilise notamment le théâtre pour nous parler du pouvoir, avec la pièce Richard III (de Shakespeare) que montent Candice et sa troupe de comédiennes. Une pièce sur le pouvoir et la cruauté, qui met en scène l’ascension et la chute de Richard III, fin du XVe siècle. Du théâtre pour faire écho à la débâcle du gouvernement et un fond musical pour rythmer le roman, puisque chaque chapitre porte en titre une chanson de l’époque (du rock, bien entendu). Des références qui jalonnent le roman et permettent d’évoquer les différents enjeux tout en déroulant le fil narratif sans trop de lourdeur. Thomas B. Reverdy en profite aussi pour amener des réflexions sur des sujets divers, par exemple la condition des femmes, et ponctue le livre d’idées intéressantes.
D’un point de vue purement littéraire, c’est bien écrit, sans plus. Il y a régulièrement des phrases bien tournées, mais pas de choc esthétique non plus. De part son sujet en revanche, c’est un roman vraiment intéressant qui permet de découvrir ou de redécouvrir une période historique de l’intérieur, sans pour autant être trop lourd, explicatif et descriptif. Un ouvrage à mi-chemin entre le roman et le récit historique, intelligemment développé en plus de ça. Pour un agrégé de lettres modernes, on reconnaît le travail très documenté et bien articulé, que l’histoire de Candice rend facile et agréable à lire. Si on veut lire un beau roman, je recommande autre chose (sans déconseiller celui-ci non plus, disons que je suis neutre), mais si on s’intéresse à l’Histoire et plus encore à cette période-là, c’est une excellente entrée en matière. Je ne suis pas suffisamment spécialiste du XXe siècle pour pouvoir relever d’éventuelles incohérences, mais L’Hiver du mécontentement me paraît un bon livre à faire lire à des élèves qui travailleraient sur cette période historique. Simple, facile et agréable à lire, et pourtant bien documenté et riche en références. Thomas B. Reverdy est d’ailleurs professeur de lycée, tiens, tiens, tiens…
Et pour aller plus loin concernant Margaret Thatcher, il est intéressant de voir le film La Dame de Fer, réalisé par Phyllida Lloyd (2012), qui retrace la vie de l’ancienne Première Ministre de l’Angleterre sous les traits de Meryl Streep. Le titre se base sur le surnom d’Iron Lady donné à Margaret Thatcher, qui comme le roseau ne rompt pas, mais ne plie pas non plus, elle. Ce qui se cache derrière une femme de pouvoir. Si on a l’habitude de dire que derrière un homme de pouvoir se cache une femme, derrière une femme de pouvoir se trouvent bien souvent de nombreuses épreuves à surmonter. Plus récemment est sortie la saison 4 de la série The Crown, sur Netflix, dans laquelle apparaît Margaret Thatcher (incarnée par Gillian Anderson). Je n’ai pas encore regardé, mais ça promet d’être intéressant.