Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

Il est des romans qui devraient figurer sur toutes les « listes de livres à lire avant de mourir », et Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (To Kill a Mockingbird) en fait partie. C’est ce qu’on appelle un roman classique de la littérature américaine, et parfois ces livres que l’on étudie au lycée ou à l’université apparaissent un peu lourds et fastidieux. On en reconnaît la grande qualité, mais c’est un peu rébarbatif. Pas celui-ci. Paru en 1960 et pour une fois écrit par une femme, Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur et un vrai chef-d’oeuvre qui évoque avec des mots simples et les jolis yeux de l’enfance des sujets pas si drôles.

Ce roman, c’est la voix de Jean Louise Finch, que tout le monde appelle « Scout », une fillette intrépide de huit ans. Elle vit avec son père Atticus Finch, avocat de la ville fictive de Maycomb en Alabama, et son frère Jem qui va sur ses douze ans. Il y a Calpurnia, la servante noire, Boo Radley, le voisin qui terrifie Jem et Scout, le petit Dill, qui vient passer les étés à Maycomb et passe son temps à inventer des bêtises avec la fratrie Finch. Il y a les voisines gentilles, les voisines commères, les voisines méchantes. Il y a la découverte de tout un monde pour Jean Louise. Les jours et les saisons passent à Maycomb et le temps apporte plein de petites aventures de la vie des gens, vues à travers le regard d’une enfant. Il faut aller à l’école, s’entendre dire qu’il faut savoir se comporter comme une fille quand on en est une, et d’ailleurs savoir se comporter tout court. Il y a les codes de chaque société, les drôles de personnages de la ville, les problèmes et les drames de chacun, qu’ils soient petits ou terribles. C’est un formidable roman d’apprentissage qui accompagne la vie quotidienne d’une famille et d’une ville tout en évoquant des sujets plus graves. La justice, la violence, la pauvreté, le racisme…

C’est vraiment un très beau livre, très doux malgré les sujets forts qu’il aborde. Il m’a fait penser à deux livres. D’abord Le Dieu des Petits Riens, d’Arundhati Roy, qui raconte différents drames avec les mots d’un petit garçon et d’une petite fille qui ne saisissent pas toujours tout ce qu’ils voient. Je l’avais trouvé absolument bouleversant et j’en avais d’ailleurs parlé ici. Ensuite, à partir de la seconde partie du livre, l’histoire m’a rappelée celle de La Ligne verte, de Stephen King, cette fois pour le sujet abordé et pas le style. Je n’en dis pas plus pour ceux qui n’auraient pas encore lu le roman d’Harper Lee et je pense que la comparaison que je viens de faire vous apparaîtra clairement peu à peu. En tout cas, c’est tout aussi triste et terrible.

En 2015 est sorti également Va et poste une sentinelle (Go Set a Watchman), toujours d’Harper Lee, la suite du premier roman, vingt ans après les faits. Une suite publiée étrangement plus de cinquante ans après le premier livre, car l’oeuvre avait en fait été perdue (ou cachée ?) et a été retrouvée bien des années plus tard. Certains disent que c’était en fait la première version de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, réécrite ensuite, d’autres qu’Harper Lee n’était pas satisfaite de ce second roman et ne voulait pas le publier… On ne saura pas, mais la boucle est bouclée. Morte l’année suivante à quatre-vingt-dix ans, Harper Lee aura au moins attendu la parution de son oeuvre pour tirer sa révérence, comme une parenthèse qui se referme des années après, pour l’auteure comme pour le personnage. Je n’ai pas lu ce second livre et j’ai hâte de le faire. Peut-être ne faudrait-il d’ailleurs pas, pour pouvoir garder l’histoire de la petite Jean Louise et pas le regard de l’adulte. Peut-être le roman s’était-il perdu pour une bonne raison. Nous verrons, et au pire je ferai en sorte de l’oublier si l’enfance de Scout vaut mieux que de grandir…


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