A l’heure du confinement, une histoire de huis clos pour passer les jours solitaires. Un huis clos itinérant d’abord, et même un double huis clos, puisque le narrateur est un vieil homme en maison de retraite qui se remémore les aventures de sa jeunesse. De l’eau pour les éléphants, écrit par Sara Gruen, c’est la passionnante histoire d’un cirque aux Etats-Unis, au moment de la Grande Dépression des années 1930 (et de la Prohibition). Et pas n’importe quel cirque : celui des frères Benzini, soit le plus grand spectacle du monde ! Du moins c’est ce qui est écrit dessus, pour le reste c’est moins sûr. On ne trouve d’ailleurs plus aucun membre de la famille Benzini à bord du train depuis que le cirque a été racheté par l’Oncle Al. Le vieux Jacob Jankowski se rappelle le jeune homme qu’il était au moment où sa vie a basculé / commencé.
Un livre difficile à refermer ! L’histoire du jeune Jacob est passionnante (à tel point qu’on est bien content que les passages de la maison de retraite ne soient pas trop longs). On prend le train du cirque en même temps que lui et on embarque pour une aventure inédite. On imagine tous un peu ce que peut être la vie de forain, la vie en mouvement d’un artiste de cirque, mais le récit très documenté de Sara Gruen nous fait découvrir un monde dont on n’avait pas idée. Jabob non plus n’y connaît rien, sauf ce qui concerne les animaux, puisqu’il a son diplôme de vétérinaire ou presque. On avance avec lui dans le récit et dans l’univers du cirque, à la rencontre de drôles de personnages. Il y a d’un côté la force manuelle, les petites mains probablement sales et abîmées qui font et défont le cirque à chaque arrêt du train, et de l’autre les « saltimbanques », qui préfèrent le titre d’artistes, le côté plus glamour du cortège. Il y a enfin les animaux, le coeur du spectacle, qui subissent des conditions de vie et de voyage pour le moins aléatoires. Chacun a une mission et la vie du cirque suit son cours tumultueux au fil des déplacements et des événements.
Le récit est à ce point documenté que je me suis demandé s’il s’agissait d’une histoire vraie. Ce n’est pas le cas, le cirque des frères Benzini n’a pas existé, mais pas loin. Pour écrire ce roman, Sara Gruen a d’abord commencé par faire de grosses recherches historiques sur ces anciens cirques qui évoluaient par voie ferrée, et beaucoup des événements racontés dans ce livre ont en fait réellement eu lieu. Une multitude d’anecdotes habitées par des personnages de fiction pour les tricoter en une seule et même histoire. Sans dévoiler des passages importants du livre, même avec les animaux, ce qui peut paraître incroyable est bien souvent le récit romancé de faits bien réels. Une note à la fin explique les différentes inspirations du livre et c’est très intéressant.
Un beau voyage dans le temps, aux Etats-Unis et dans l’univers des forains. A lire au chaud chez soi à l’heure où les cirques modernes vivent des temps bien difficiles, peut-être leurs dernières heures. Le traitement des animaux dans les cirques et les zoos pose question et c’est d’ailleurs un sujet de ce livre, mais une lecture de fiction ou un film ne fait de mal à personne. Et pour prolonger la magie, après Dumbo et The Greatest Showman, De l’eau pour les éléphants a aussi été adapté au cinéma par Francis Lawrence, en 2011. Pas encore vu, je ne sais pas si c’est bien, mais ça a l’air très beau.