L’information, c’est le pouvoir. Nombreux sont ceux à l’avoir dit et répété, du Maréchal Foch au personnage de Franck Underwood dans la série House of Cards. Deux manières de gérer l’information et deux professions, une officielle et visible : le journalisme, et une plus discrète : celle des gouvernements et de leurs services de renseignement. Intérieur, extérieur, militaire, des milliers d’hommes et de femmes travaillent chaque jour dans le secret de leur profession, voire de leur identité, pour défendre les intérêts nationaux et lutter contre le terrorisme. Depuis quelques années, comme dans la plupart des entreprises, que ce soit parce que les mentalités évoluent ou par contrainte législative, les services de renseignement recrutent de plus en plus de femmes parmi leurs agents. Dans les bureaux ET sur le terrain. Focus sur ces femmes espionnes avec un livre, un film et une série.
Le livre : « Espionnes » (de Dalila Kerchouche)
C’est en 2015 que la journaliste Dalila Kerchouche a commencé à s’intéresser aux mystérieuses femmes qui travaillent dans le renseignement. Ces fameuses espionnes. Le début de son enquête a tristement coïncidé avec l’attentat commis à la rédaction du journal Charlie Hebdo. La question du terrorisme frappe la population française de plein fouet et la pression monte d’un cran. On le comprend tout au long du livre : peu importe le service, la lutte contre le terrorisme est la grande priorité, on ne parle presque que de ça. La journaliste a choisi de rédiger ce livre un peu comme elle a vécu son enquête, en racontant son expérience et ses impressions alors qu’elle plonge dans le monde fermé et secret du renseignement français. Pendant plus d’une année, Dalila Kerchouche s’est rendue dans différents pôles (Services Secrets Douaniers, Services Secrets Militaires, SCRT – les nouveaux Renseignements Généraux, Sécurité Intérieure et Extérieure…) et a interviewé de nombreuses espionnes, de l’analyste à l’agent de terrain. Le livre est une succession d’entretiens de femmes de tous les services et de tous les niveaux hiérarchiques, ponctués par les ressentis et les réflexions de Dalila Kerchouche tout au long de cette enquête. On comprend mieux le fonctionnement de tous ces services, leur réelle mission, et on en découvre certains dont on n’avait jamais entendu parler car un peu moins séduisants que les célèbres DGSE et DGSI. C’est passionnant, à la fois par ce qu’on découvre sur les services de renseignement et par cette rencontre avec des dizaines de femmes hautement qualifiées et hautement secrètes, toutes très différentes, qui luttent contre le terrorisme (et le sexisme…) à longueur de journée.
Le film : « The Operative » (de Yuval Adler)
Sorti la semaine dernière au cinéma, The Operative raconte l’histoire de Rachel (interprétée par Diane Kruger), une jeune femme recrutée par le Mossad (les services secrets israéliens). Tout commence en Allemagne, mais après une période de missions test, Rachel est envoyée à Téhéran avec l’identité d’une simple professeure d’anglais. Une espionne occidentale basée en Allemagne et recrutée par la Mossad pour aller faire des pirouettes en Iran, on sent déjà la bonne idée. Une fois sur place, elle doit se rapprocher de Farhad Razavi, un important homme d’affaire. Le monde entier craint que l’Iran ne se dote de l’arme atomique et veut à tout prix empêcher ça, mais à l’inverse le gouvernement iranien est très soupçonneux d’à peu près tout et surveille étroitement les étrangers. Une situation plus que délicate. Evidemment, ça finit par déraper. Une histoire complexe entre Rachel, son agent de liaison allemand, qui peine à se faire respecter par les autres agents du Mossad, et Farhad Razavi. Et le pire, c’est qu’il s’agit d’une histoire inspirée de faits réels… Le film, réalisé par Yuval Adler, est tiré du livre de l’ancien agent du Mossad Yiftach Reicher Atir (The English Teacher). Intéressant et angoissant. Je n’ai pas spécialement aimé ce film que je trouve un peu austère, presque fade, et la bande annonce laisse imaginer autre chose. Mais l’histoire de cette femme reste prenante, à voir quand même si on est fan d’histoires d’espionnage et à condition de ne pas placer ses espoirs trop haut.
La série : « Le Bureau des Légendes » (d’Eric Rochant)
La légende, c’est l’histoire que raconte un agent pour justifier sa présence sur le terrain. Si jamais on demande ce que tu fous là, il faut avoir une explication qui tient la route. Pour justifier une filature, ça peut être simplement une virée shopping ou aller boire un café. Pour un agent infiltré à l’étranger, c’est toute une identité, toute une vie. Le Bureau des Légendes, excellente série d’Eric Rochant, raconte le quotidien d’agents de la DGSE qui travaillent dans le service des clandestins. Il y a les clandestins en partance, ceux déjà infiltrés à l’étranger, leur référant à Paris, des analystes… C’est absolument passionnant ! On retrouve Mathieu Kassovitz dans le rôle d’un brillant agent de retour à Paris après des années d’infiltration en Syrie. Il y a également Marina Loiseau, interprétée par Sara Giraudeau, jeune recrue qui se prépare à partir à… Téhéran ! Tiens, tiens, une espionne en Iran qui elle aussi entend parler d’un certain Farhad Razavi. Là aussi, bien évidemment, il se passe plein de choses dans ce très secret Bureau des Légendes qui traite d’énormes enjeux. Cette série est très bien faite et vraiment prenante. Bien sûr, n’ayant pas travaillé dans le renseignement je ne peux pas me rendre compte des approximations ou des erreurs par rapport à la réalité de ce métier, mais Eric Rochant est apparemment très bien documenté et a l’habitude de travailler sur cette thématique (il a d’ailleurs aussi réalisé le film Les Patriotes, sorti en 1994, qui traite le sujet d’un Français recruté par les services secrets israéliens). A voir absolument !!!